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ponts, et qui se trouve divisé en différentes cabanes. Quoique les Européens remportent beaucoup sur eux dans la navigation sur mer, il faut confesser que, sur les rivières et les canaux, ils ont une adresse particulière à leur nation, dont nous sommes fort éloignés. Un petit nombre de leur bateliers conduisent des barques aussi grandes que nos vaisseaux.

L’adresse avec laquelle les Chinois naviguent sur les torrens a quelque chose de surprenant et d’incroyable. Ils franchissent intrépidement des passages que des gens moins hardis ne peuvent regarder sans quelque marque de crainte. Sans parler des chutes d’eau qui se trouvent souvent dans un canal, et qu’ils remontent, à force de bras, d’un canal à l’autre, la Chine a des rivières qui coulent ou plutôt qui se précipitent au travers d’une infinité de rochers pendant l’espace de soixante ou quatre-vingts lieues, et qui forment des courans d’une rapidité extrême, auxquels les Chinois donnent le nom de chan. Il s’en trouve dans diverses parties de l’empire ; et le père Le Comte en vit plusieurs dans le voyage qu’il fit de Nan-chan, capitale de la province de Kiang-si, jusqu’au célèbre port de Canton. Sa barque fut emportée par un de ces courans, avec une si grande violence, que, tout l’art des matelots n’ayant pu la surmonter, elle fut abandonnée au courant, qui la fit pirouetter long-temps parmi les nombreux détours formés par les rochers ; enfin elle donna avec tant