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la part des eunuques du palais, qui, ne voyant pas sans impatience un étranger dans une si haute faveur, réunirent tous leurs efforts pour ruiner son entreprise. Ils se plaignaient à tous momens de la lenteur du travail, tandis qu’ils faisaient dérober secrètement le métal par les officiers subalternes de la cour. Aussitôt que la première pièce fut fondue, ils se hâtèrent, avant que l’intérieur fût poli, d’y jeter un boulet de fer, dans l’espérance de la rendre inutile ; mais Verbiest l’ayant fait charger par la lumière, elle fut tirée avec un bruit si terrible, que l’empereur, l’ayant entendu de son palais, désira qu’on fît une seconde décharge. Enfin, l’ouvrage étant achevé, toutes les pièces furent traînées au pied d’une montagne qui est à une journée de Pékin, du côté de l’ouest ; et l’empereur, accompagné des principaux officiers de son armée et de toute sa cour, se domina le plaisir d’en voir faire l’épreuve ; on lui fit observer que les boulets touchaient au lieu vers lequel Verbiest avait braqué ses machines. Ce spectacle lui fit tant de plaisir, qu’il donna une fête solennelle au gouverneur tartare et aux principaux officiers de l’armée, sous des tentes qui furent dressées en plein champ. Il but dans une coupe d’or à la santé de son beau-père et de ses officiers, et à celle même des artistes qui avaient dirigé le canon avec tant de justesse. Enfin, ayant fait appeler Verbiest, qui était logé par son ordre près de sa propre tente, il lui dit : « Le canon que vous