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connaître qu’il était prêt à sacrifier sa vie au bien public, il fit porter son cercueil avec lui jusqu’à la porte du palais. L’empereur, irrité plutôt qu’adouci par une action si généreuse ; crut devoir inspirer la terreur à ceux qui seraient tentés de suivre son exemple, en le condamnant à mourir dans les tourmens ; mais cette seconde exécution ne fut pas capable de refroidir les mandarins chinois. Ils résolurent de perdre la vie l’un après l’autre plutôt que de renoncer à leur entreprise. Un troisième, se dévouant au supplice comme les deux autres, protesta au monarque qu’il ne pouvait le voir plus long-temps coupable : « Que perdrons-nous par la mort ? lui dit-il ; rien que la vue d’un maître que nous ne pouvons plus regarder sans étonnement et sans horreur. Puisque vous refusez de nous entendre, nous irons joindre nos ancêtres et ceux de l’impératrice votre mère ; ils écouteront nos plaintes, et peut-être que, pendant les ténèbres de la nuit, vous entendrez les reproches de leurs ombres et des nôtres. » L’empereur, plus indigné que jamais, le fit expirer dans les plus cruels tourmens qu’il put imaginer. Plusieurs autres, loin d’être découragés par ces exemples, s’exposèrent volontairement au même sort, et moururent en effet martyrs de leur zèle. Enfin la cruauté de l’empereur se laissa vaincre par tant de constance, et soit qu’il fut effrayé des conséquences, ou qu’il ouvrît les yeux sur sa faute, il déclara que, se