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Ces co-tis sont redoutables même aux princes du sang, comme on a pu l’observer à l’occasion d’un prince qui, dans la crainte de leurs accusations, fit abattre une maison qu’il avait bâtie avec trop de magnificence. Leur autorité leur donne même le droit d’avertir l’empereur lorsqu’il donne quelque mauvais exemple, ou lorsque, se livrant au plaisir et au luxe, il néglige quelque partie de son devoir. Quoique cette hardiesse les expose à de mauvais traitemens, ils soutiennent leur entreprise avec une fermeté qui va quelquefois jusqu’à l’héroïsme. Le père Le Comte en rapporte un exemple remarquable.

Un empereur ayant banni sa mère dans une province éloignée pour avoir entretenu un commerce trop libre avec un seigneur de la cour, défendit, sous peine de mort, aux mandarins qu’il jugeait mécontens de cette rigueur de lui faire là-dessus leurs représentations. Ils gardèrent le silence pendant quelque temps, dans l’espérance qu’il pourrait changer de disposition ; mais, le voyant persister dans ses ressentimens, ils résolurent de parler en faveur de sa mère, parce que la manière dont il l’avait traitée leur paraissait blesser le respect filial, qui est en si haute recommandation à la Chine. Le premier qui osa présenter sa requête à l’empereur fut envoyé sur-le-champ au supplice. Sa mort arrêta si peu les autres, que deux ou trois jours après il s’en présenta un avec les mêmes plaintes, et pour faire