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il fit son entrée à cheval dans cette ville. Comme toutes les rues étaient couvertes de tapis, il demanda aux habitans si c’était par l’ordre des mandarins : ils répondirent que non, et que c’était de leur propre mouvement qu’ils avaient voulu ne rien épargner pour recevoir leur maître. Il leur en témoigna sa satisfaction : les rues étaient si remplies d’hommes et d’enfans qui marchaient en foule au travers du cortége, que l’empereur s’arrêtait à chaque moment et paraissait y prendre plaisir. À Sou-tcheou-fou, les habitans ayant couvert aussi les rues de tapis magnifiques, ce prince descendit de cheval à l’entrée de la ville, et commanda à la cavalerie de s’arrêter pour ne pas gâter tant de belles étoffes de soie qui appartenaient au peuple. Il marcha jusqu’au palais qui lui avait été préparé, et honora la ville de sa présence pendant deux jours.

Le Comte rapporte une action du même empereur, dans une de ces visites, qui le rendit redoutable aux mandarins, et qui augmenta l’affection du peuple pour lui. Ce grand prince s’étant éloigné de sa suite, aperçut un vieillard qui pleurait amèrement ; il lui demanda la cause de ses larmes : « Je n’avais qu’un fils, lui répondit le vieillard, dans lequel j’avais placé toute ma joie et le soin de ma famille ; un mandarin tartare me l’a enlevé ; je suis privé désormais de tout secours humain : car, pauvre et vieux comme je le suis, quel moyen d’obliger le gouverneur à me rendre justice ?