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le peuple, qui porte joyeusement le joug lorsqu’il le trouve léger. 2o. La loi défend qu’on lasse mandarin dans une ville ou dans une province un homme du lieu ; ordinairement même on ne le laisse pas long-temps en possession de son emploi. Il est élevé à quelque autre poste, dans la seule vue de le faire changer de lieu, pour empêcher qu’il ne contracte dans le pays des engagemens et des liaisons qui pourraient le rendre partial. Comme la plupart des autres mandarins de la même province lui sont inconnus, il arrive rarement qu’il ait aucune raison de les favoriser. S’il obtient un emploi dans la province qui touche à celle dont il est sorti, ce doit être dans une ville qui en soit éloignée de cinquante lieues au moins, parce qu’un mandarin, disent les Chinois, ne doit être occupé que du bien public. Dans une ville de son propre pays, ses amis et ses voisins ne manqueraient pas de le troubler par leurs sollicitations : il se verrait engagé à faire des injustices en leur faveur, ou porté par ses ressentimens à ruiner ceux dont quelqu’un de sa famille, ou lui-même, aurait reçu anciennement une injure. La délicatesse sur cet article va si loin, qu’on ne place jamais un mandarin subalterne dans un lieu où son frère, son oncle, ou quelque autre parent tient un rang supérieur. Si l’on suppose, par exemple, que l’empereur veuille envoyer le frère d’un mandarin subalterne pour être vice-roi dans la même province, le plus jeune des deux frères