Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 9.djvu/326

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vice-rois et les autres chefs des provinces se remboursent de leurs frais par les présens qu’ils extorquent des gouverneurs de toutes les grandes villes ; ceux-ci se dédommagent à leur tour par les extorsions qu’ils exercent sur les petites, et tous se liguent ensemble pour remplir leur bourse aux dépens du public. Aussi dit-on communément à la Chine que l’empereur, en créant de nouveaux mandarins pour le gouvernement, lâche malgré lui autant de bourreaux, de meurtriers, de chiens et de loups affamés, pour ruiner et dévorer le pauvre peuple. En un mot, il n’y a point de vice-roi, de visiteur de province, ni d’autre officier de cette espèce qui, à la fin de ses trois ans, ne rapporte six ou sept cent mille, et quelquefois un million d’écus.

Ce honteux trafic s’exerce aussi ouvertement que s’il était autorisé par les lois, et l’on peut dire que la justice et les emplois se vendent dans toutes les parties de l’empire, surtout à la cour. Ainsi l’empereur est proprement le seul qui ait à cœur l’intérêt public ; tous les autres n’ont en vue que le leur propre. Le père Le Comte en cite un exemple dont il avait été témoin. Le père d’un nouveau converti ayant été tué dans une expédition militaire contre une armée de voleurs tandis qu’il était gouverneur de la province de Chen-si, l’empereur nomma son fils gouverneur d’une ville du second rang. Après l’expiration des trois années, il lui donna une ville du premier rang ; cet of-