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éloignée et de la plus pauvre de l’empire. La douleur de se voir trompé lui fit oublier le respect qu’il devait à plus de trois cents mandarins qui composaient l’assemblée. Il se leva tout furieux ; car l’usage oblige les candidats de se tenir à genoux ; il se mit à crier de toute sa force qu’il était perdu ; et, jetant de rage son bonnet et sa robe, il tomba sur le secrétaire ; il le renversa et le battit rudement à coups de pieds et de poings. Il y joignit les reproches les plus amers. « Lâche imposteur, lui disait-il, où est l’argent que je t’ai donné ? où est la ville que tu m’avais promise ? » Toute l’assemblée s’étant levée dans un grand trouble, les deux parties furent étroitement renfermées, et n’eurent pas peu de peine à se garantir de la mort, qui est le châtiment établi pour cette prévarication.

Si l’on en croit Magalhaens, qui paraît assez croyable, tout est vénal à la Chine. Cet historien assure que le gouvernement d’une ville coûte de très-grosses sommes à ceux qui l’obtiennent. C’est quelquefois vingt ou trente mille écus, suivant l’importance du poste : il en est de même à proportion pour tous les autres offices. Avant qu’un vice-roi ou le gouverneur d’une province ait pu faire sceller sa commission, il a souvent déboursé jusqu’à soixante ou soixante-dix-mille écus : cet argent passe dans la poche des co-laos et des officiers des tribunaux suprêmes, qui vendent secrètement tous les emplois. D’un autre côté, les