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sions semblables pour leur prouver son affection. L’empereur Yong-tching poussa cette affectation, jusqu’à ordonner que, lorsque la moindre partie de l’empire paraîtrait menacée de quelque calamité, on se hâtât de l’en informer par un courrier, afin que, se croyant responsable de tous les maux de l’état, il pût s’efforcer par sa conduite d’apaiser la colère du ciel. C’est une chose vraiment admirable que ce respect pour l’humanité, devenu dans ce pays l’un des caractères du pouvoir despotique, qui partout ailleurs apprend à mépriser les hommes et à les fouler aux pieds. On ne peut attribuer ce respect à la douceur naturelle de ces peuples, puisque les Indiens, peuple le plus doux de la terre, sont écrasés par des despotes barbares. Il faut absolument reconnaître ici le pouvoir de la morale et des lois.

Un autre frein que les lois ont mis à l’autorité souveraine, c’est que, dans toutes les occasions où l’empereur commet quelque faute qui paraît capable de troubler le bon ordre du gouvernement, elles autorisent les mandarins à lui adresser leurs représentations en forme de supplique, et dans les termes les plus humbles et les plus respectueux. S’il marquait du mépris pour ces remontrances, ou s’il maltraitait le mandarin qui a le courage d’embrasser la cause publique, il perdrait l’affection de son peuple, tandis que le mandarin recevrait les plus glorieux éloges, et immortaliserait à