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pouvoir de leurs charmes. Ce stratagème ne réussit que trop heureusement. L’intérêt des mœurs et du bien public ne résista pointa l’attrait du plaisir. En vain Cong-fou-tzée s’efforça par ses remontrances de ramener le prince et ses sujets à la raison. Dans le chagrin de ne pouvoir se faire écouter, il abandonna cette cour et des emplois dont il n’avait plus d’utilité à tirer pour ses vues.

De la cour de Lou, il passa dans les royaumes de Lsi, de Gueï et de Tsou ; mais il n’y trouva pas moins de résistance à ses principes : l’austérité de sa morale faisait redouter sa politique, et les ministres d’état n’étaient pas disposés à recevoir un rival qui leur faisait appréhender la ruine de leur autorité. Après avoir erré de province en province, il s’arrêta dans le royaume de Ching, où il se vit réduit à la dernière indigence sans rien perdre de sa grandeur d’âme et de sa constance ordinaire, enfin l’éclat de ses vertus surmonta tous les obstacles. Il se fit un grand nombre de disciples qui lui furent inviolablement attachés : on en compta trois mille, dont cinq cents étaient revêtus des plus hautes dignités dans divers royaumes, et les exerçaient sans reproches : mais on en comptait soixante-douze plus célèbres que tous les autres par la perfection de leur vertu. Son zèle, qui croissait de jour en jour, lui inspira le désir de passer la mer, pour communiquer sa doctrine aux nations étrangères, et la répandre dans les climats les plus éloignés.