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et eau. Si quelqu’un bâtit, par hasard, dans une position contraire à ses voisins, et qu’un coin de sa maison soit opposé au côté de celle d’un autre, c’est assez pour faire croire que tout est perdu. Il en résulte des haines qui durent aussi long-temps que l’édifice. Le remède consiste à placer dans une chambre un dragon ou quelque autre monstre de terre cuite, qui jette un regard terrible sur le coin de la fatale maison, et qui repousse ainsi toutes les influences qu’on peut en appréhender. Les voisins qui prennent cette précaution contre le danger ne manquent pas chaque jour de visiter plusieurs fois le monstre qui veille à leur défense. Ils brûlent de l’encens devant lui, ou plutôt devant l’esprit qui le gouverne, et qu’ils croient sans cesse occupé de ce soin ! Les bonzes ne manquent point de prendre part à l’embarras de leurs cliens ; ils s’engagent pour une somme d’argent à leur procurer l’assistance de quelque esprit puissant, qui soit capable de les rassurer nuit et jour par des efforts continuels de vigilance et d’attention. Il se trouve des personnes si timides, qu’elles interrompent leur sommeil pour observer s’il n’est point arrivé de changement qui doive les obliger de changer de lit ou de maison ; et d’autres encore plus crédules qui ne dormiraient pas tranquillement, s’ils n’entretenaient dans la chambre du dragon un bonze qui ne les quitte pas jusqu’à la fin du danger ; mais il est rare que le désordre dure long-temps.