Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 9.djvu/271

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’est ce qui pouvait lui arriver de plus heureux : cent autres ont ambitionné sa place ; mais nous lui avons donné la préférence, parce qu’il la mérite effectivement par son zèle et ses autres vertus. »

Après avoir écouté ce récit, le gouverneur déclara qu’il trouvait beaucoup de courage au jeune homme, mais qu’il était surpris que ce ne fût pas lui-même qui eût annoncé sa résolution au peuple. En même temps il ordonna qu’il lui fût amené, pour se donner la satisfaction de l’entendre : les bonzes, alarmés de cet ordre, employèrent tous leurs efforts pour s’y opposer ; ils protestèrent que, si la victime ouvrait la bouche, le sacrifice serait inutile, et qu’ils ne répondaient pas des malheurs que cette profanation pouvait attirer sur la province. Je réponds de tout, dit le gouverneur ; et renouvelant ses ordres, il fut surpris d’apprendre qu’au lieu de s’expliquer avec ceux qu’il en avait chargés, le jeune homme n’avait fait que jeter sur eux des regards agités, avec des contorsions extrêmement violentes. « Vous voyez, dit un bonze, combien il est affligé des ordres que vous lui faites porter : il en est au désespoir ; et si vous ne les révoquez pas , vous le ferez mourir de douleur. »

Loin de changer de résolution, le mandarin chargea ses gardes de le dégager de sa cage, et de l’amener. Ils le trouvèrent non-seulement lié par les pieds et par les mains, mais à demi-suffoqué d’un bâillon qui lui remplissait la