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et laissé mourir ma fille ; s’il n’a pas le pouvoir qu’il s’attribue, que signifie cette présomption ? Pourquoi prend-il la qualité de dieu ? Est-ce pour rien que nous l’honorons, et que toute la province lui offre des sacrifices ? » Ainsi, concluant que la mort de sa fille venait de l’impuissance ou de la méchanceté de l’idole, il demandait qu’elle fut punie corporellement, que son temple fût abattu, et que ses prêtres fussent honteusement chassés de la ville. Cette affaire parut si importante, que les juges ordinaires en renvoyèrent la connaissance au gouverneur, qui l’évoqua au vice-roi de la province. Ce mandarin, après avoir entendu les bonzes, prit pitié de leur embarras ; il fit appeler leur adversaire, et lui conseilla de renoncer à ses prétentions, en lui représentant qu’il n’y avait pas de prudence à presser certaine espèce d’esprits qui étaient naturellement malins, et qui pouvaient lui jouer tôt ou tard un mauvais tour : il ajouta que les bonzes s’engageraient à faire, au nom de l’idole, ce qu’on pouvait raisonnablement exiger d’eux, pourvu que les demandes ne fussent pas poussées trop loin. Mais le père, qui était inconsolable de la mort de sa fille, protesta qu’il périrait plutôt que de se relâcher. « Cet esprit, disait-il, ne se croira-t-il pas en droit de commettre toutes sortes d’injustices, s’il est une fois persuadé que personne n’a la hardiesse de s’y opposer ? » Le vice-roi se vit obligé de s’en