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dessus, ils lient la statue avec des cordes, et la traînent dans les rues, au travers des boues et des plus sales immondices, pour lui faire payer toute la dépense qu’ils ont faite en parfums. Si le hasard leur fait obtenir alors ce qu’ils demandaient, ils lavent le dieu avec beaucoup de cérémonies ; ils le rapportent au temple ; et, l’ayant replacé dans sa niche, ils tombent à genoux devant lui, et s’épuisent en excuses sur la manière dont ils l’ont traité. « Au fond, lui disent-ils, nous nous sommes un peu trop hâtés, mais il est vrai aussi que vous avez été un peu trop lent. Pourquoi vous êtes-vous attiré nos injures ? Nous ne pouvons remédier au passé : n’en parlons plus. Si vous voulez l’oublier, nous allons vous revêtir d’une nouvelle dorure. » On lit dans le père Le Comte une aventure fort bizarre, qui était arrivée de son temps à Nankin. Un habitant de cette ville, voyant sa fille unique dangereusement malade, et n’espérant plus rien des remèdes de l’art, s’adressa aux bonzes, qui lui promirent, pour une somme d’argent, l’assistance d’une idole fort vantée : il n’en perdit pas moins l’objet de son affection. Dans la douleur de sa perte, il résolut du moins de se venger. Il porta sa plainte aux juges pour demander que l’idole fût punie de l’avoir trompé par une fausse promesse. « Si cet esprit, disait-il dans sa requête, est capable de guérir les malades, c’est une friponnerie manifeste d’avoir pris mon argent