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pas de s’appuyer sans se faire une infinité de blessures. Il était porté fort lentement dans les maisons par deux porteurs de louage, et toutes ses prières se réduisaient à demander quelque aumône. « Vous le voyez, disait-il ; je suis enfermé dans cette chaise pour le bien de vos âmes : je n’en sortirai pas que tous les clous dont elle est remplie n’aient été achetés. » L’auteur remarque qu’il y en avait plus de deux mille. « Chaque clou, ajoutait le bonze, vous coûtera six sous ; mais vous ne devez pas douter qu’ils ne deviennent une source de bénédictions dans vos familles. Prenez-en du moins un, vous ferez un acte héroïque de vertu ; et l’aumône que vous donnerez ne sera pas pour les bonzes, à qui vous pouvez témoigner votre charité par d’autres voies, mais pour le dieu Fo, à l’honneur duquel nous voudrions bâtir un temple. »

Le père Le Comte passa fort près de ce jeune imposteur, qui lui fit le même compliment ; sur quoi il lui conseilla de s’épargner des peines inutiles, et d’aller se faire instruire à l’église chrétienne. Le bonze lui répondit qu’il le remerciait beaucoup de son conseil, mais qu’il lui aurait encore plus d’obligation s’il voulait acheter une demi-douzaine de ses clous, qui lui attireraient infailliblement du bonheur dans son voyage. « Tenez, ajouta-t-il en se tournant dans sa chaise, prenez ceux-ci sur ma parole ; foi de bonze, je vous les donne