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ce qui les affligeait : « Hélas ! lui dirent-ils, nous savons que les âmes de nos pères ont passé dans le corps de ces animaux, et la crainte qu’il ne vous prenne envie de les tuer nous fait mourir de douleur. — J’avoue, leur répondit cette femme, que notre dessein était de les tuer, mais je vous promets de les garder, puisqu’ils sont vos parens. » C’est la réponse de M. Guillaume lorsque Patelin convoite son drap : Je vous le garderai. — Ce n’est pas là mon compte, dit Patelin ; et c’est aussi ce que dirent les bonzes. Ils représentèrent à cette femme que son mari serait peut-être moins charitable, et qu’ils seraient fort à plaindre s’il arrivait quelque malheur à ces pauvres créatures. Enfin, la pitié prenant le dessus, elle consentit à leur livrer les canards, afin qu’ils pussent veiller eux-mêmes à leur sûreté. Ils les acceptèrent avec de grandes marques de reconnaissance, en se prosternant devant eux, et leur témoignant beaucoup de tendresse et de respect ; mais ils les tuèrent le soir pour leur souper.

Dans la nécessité de soutenir leur secte, ils achètent de jeunes garçons de sept ou huit ans, qu’ils instruisent pendant quinze ou vingt ans dans leurs mystères, avec toutes sortes de soins pour les rendre propres à leur succéder. Cependant la plupart sont fort ignorans, et n’entendent pas même les principes de leur doctrine ; mais, comme il y a parmi eux une distinction de rangs fort bien établie, les uns sont