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La langue chinoise est le contraire de toutes les autres, parce qu’elle a infiniment plus de caractères que de mots. Les Chinois admirent de leur côté qu’avec si peu de lettres les Européens puissent exprimer toutes leurs paroles ; mais l’étonnement cesserait de part et d’autre, si l’on faisait réflexion que les mots sont composés de la combinaison d’un petit nombre de sons simples, formés par les organes de la parole, et que les caractères européens sont inventés pour exprimer des sons au lieu que les caractères chinois expriment des mots, et doivent être par conséquent beaucoup plus nombreux. Il n’est pas aisé de juger comment cette méthode leur est venue à l’esprit plutôt que l’autre, ou pourquoi ils ont préféré l’une à l’autre, si elles s’y sont présentées toutes deux. Nous savons seulement qu’il n’y a pas d’autre exemple de cette préférence dans toutes les parties du monde connu. À la vérité, les Égyptiens, les Mexicains, et d’autres peuples ont eu des caractères de la même nature ; mais il en reste fort peu, et l’on ne voit pas que l’invention en ait été si judicieuse et si uniforme, ni qu’elle ait été capable d’exprimer une aussi grande variété d’idées simples et composées que la méthode chinoise.

Il est difficile d’exprimer les mots chinois en caractères européens ; mais il est impossible d’exprimer les mots européens en caractères chinois. La raison en est sensible : c’est