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obscur pour ceux qui ne sont pas bien versés dans l’usage de leurs caractères. Il demande beaucoup d’attention, et même d’habileté, pour ne tomber dans aucune méprise : il exprime quantité de choses en peu de mots. Les expressions sont vives, animées, entremêlées de comparaisons hardies et de métaphores. Duhalde en donne un exemple : « L’encre qui a tracé l’édit impérial en faveur de la religion chrétienne n’est point encore sèche ; et vous entreprenez de la détruire ! » C’est ainsi qu’écrivent les Chinois. Hamlet, dans Shakspeare, emploie une figure toute semblable, en parlant de sa mère qui est près de se marier avec le ministre de son premier époux : « L’infidèle ! avant d’avoir usé les souliers qu’elle portait à l’enterrement de mon père ! » Il y a de la vérité dans cette idée, et cette vérité grossière paraîtra une beauté aux nouveaux commentateurs de Shakspeare ; mais les gens de goût, qui savent qu’un prince ne s’exprime pas comme un homme du peuple, et que le langage du théâtre n’est pas celui des rues, diront qu’il était facile de saisir cent autres circonstances que celle des souliers, et d’être aussi vrai et plus noble.

Les Chinois insèrent volontiers dans leurs écrits des sentences et des passages tirés des cinq livres canoniques ; et comme ils comparent leurs compositions à la peinture, ils comparent de même ces sentences aux cinq principales couleurs qu’ils emploient pour peindre ;