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différence, surtout dans la province de Kiang-nan, où l’accent passe pour le plus parfait. On peut s’en former une idée par la prononciation gutturale de la langue espagnole ; et par les différens tons du français et de l’italien, qui signifient différentes choses, quoiqu’on ait d’abord quelque peine à les trouver différens : ce qui a donné naissance au proverbe, le ton fait tout.

Comme les Chinois n’ont point d’accens écrits pour varier les sons, ils sont obligés d’employer pour le même mot autant de figures qu’il y a de tons par lesquels son sens est varié ; ils ont avec cela des caractères qui expriment deux ou trois mots, et quelquefois des phrases entières. Par exemple, pour écrire ces deux mots, bonjour, monsieur, au lieu de joindre le caractère de bonjour avec celui de monsieur, ils en emploient un différent, qui exprime par lui-même ces deux mots, ou, si l’on veut, ces trois mots ; mais on conçoit aussi que cet usage multiplie extrêmement les caractères chinois, et rend l’art de joindre les monosyllabes très-compliqué. Dans la composition par écrit, les mots sont, à la vérité, les mêmes ; mais le style poli est si différent de celui du discours familier, qu’un homme de lettres ne pourrait, sans paraître ridicule, écrire de la manière dont on s’exprime dans la conversation. Il est aisé de s’imaginer combien l’étude d’un si grand nombre de caractères demande d’années, non-seulement pour les distinguer dans