Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 9.djvu/216

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

indéclinables, qui finissent presque tous par une voyelle, ou par la consonnante n, ou ng.

Cette petite quantité de syllabes ne laisse pas de suffire pour traiter toutes sortes de sujets, parce que, même sans multiplier les mots, le sens est varié presqu’à l’infini parla différence des accens, des inflexions, des tons, des aspirations et des autres changemens de la voix. À la vérité, pour ceux qui ne sont pas fort versés dans la langue, cette variété de prononciation devient une occasion fréquente d’erreur. Par exemple, le mot tchu, prononcé en traînant sur u, et levant la voix, signifie seigneur ou maître ; d’un ton uniforme et allongé, il signifie pourceaux ; d’un ton bref, il signifie cuisine ; et d’un ton fort et mâle, qui s’adoucit sur la fin, il signifie colonne. De même la syllabe po, suivant ses divers accens et ses différentes prononciations, n’a pas moins de onze sens différens. Elle signifie verre, bouillir, vanner du riz, sage ou libéral, préparer, vieille femme, rompre ou fendre, incliné, tant soit peu, arroser, esclave ou captif. Il en faut conclure que les Grecs, que l’on a beaucoup vantés pour la délicatesse de l’oreille, étaient en ce genre fort inférieurs aux Chinois ; mais je n’en conclurais pas avec les historiens des voyages que la langue de la Chine soit très-abondante et très-expressive. C’est une véritable pauvreté qu’un grand nombre de différences imperceptibles dont l’étude peut occuper la vie d’un homme. La véritable ri-