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À l’égard de la géographie, les Chinois n’ont pas négligé celle de leur empire, mais leurs lumières sont fort bornées sur celle des pays étrangers ; ils réduisaient autrefois toutes les autres régions du monde à soixante-douze royaumes, qu’ils plaçaient au hasard comme autant de petites îles dont leur mer était entourée, sans les distinguer par les longitudes et les latitudes ; ils leur donnaient des noms méprisans, et, dans leurs descriptions ridiculement fabuleuses, ils en représentaient les habitans comme des monstres. Quoiqu’ils connussent mieux les Tartares, les Japonais, les Coréens et les autres peuples qui bordent la Chine, ils ne les honoraient pas d’un autre nom que de celui des quatre nations barbares.

Dans les derniers temps, ayant reçu quelques informations sur l’existence de l’Europe, ils l’avaient ajoutée à leurs cartes comme une île déserte. De là vient qu’en 1668, le vice-roi de Canton, après avoir parlé de l’ambassade portugaise, dans un mémoire qu’il envoyait à l’empereur, ajoutait cette remarque : « Nous avons vérifié que l’Europe consiste en deux petites îles au milieu de la mer. » Lorsque les Chinois virent pour la première fois des Européens, ils leur demandèrent s’il y avait en Europe des villes, des villages et des maisons. Ils sont un peu revenus de ces grossières erreurs. Un jour que le père Chavagnac, missionnaire jésuite, montrait une carte