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fut renvoyé, regardèrent comme un triste expédient l’obligation de supprimer un mois entier, après l’avoir reçu solennellement : mais n’osant contredire le nouveau directeur, ils prirent le parti de lui députer leur président. Ce mandarin aborda Verbiest d’un air riant : « Prenez garde, lui dit-il, à ce que vous allez faire ; vous allez nous couvrir de honte aux yeux des nations voisines, qui suivent et qui respectent le calendrier chinois. Que penseront-elles en apprenant que nous sommes tombés dans des erreurs si grossières, qu’il ait fallu retrancher un mois entier de l’année pour les réparer ? Ne pouvez-vous pas trouver quelque autre expédient qui mette notre réputation à couvert ? Vous nous rendriez un important service. » Verbiest lui répondit qu’il n’était pas en son pouvoir de concilier l’ordre des cieux avec le calendrier chinois, et que le retranchement d’un mois lui paraissait d’une nécessité indispensable. On publia bientôt, dans toutes les parties de l’empire, un édit impérial, qui déclarait que, suivant les calculs, il avait été nécessaire de supprimer le mois intercalaire, et qui défendait de le compter à l’avenir. Ainsi la première origine du grand crédit des jésuites dans l’empire chinois fut la science de l’almanach. En Europe, où l’on en savait un peu davantage, leur pouvoir fut appuyé sur la connaissance des hommes et des affaires, et non sur la connaissance des cieux.