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et sur la porcelaine même. Ainsi l’on voit cent ouvriers ruinés pour un que la fortune favorise. On ne doit donc pas être étonné que la porcelaine soit si chère en Europe ; d’ailleurs celle qu’on y envoie est faite ordinairement sur des modèles nouveaux, souvent si bizarres, que, n’étant pas toujours goûtés, le moindre défaut devient un prétexte aux Européens pour la refuser : alors elle demeure nécessairement à l’ouvrier, parce qu’elle est encore moins au goût des Chinois.

Il faut confesser, à l’honneur de la Chine, que les artistes du pays font des ouvrages si surprenans, qu’un étranger les croirait impossibles. Le P. d’Entrecolles vit y par exemple, une lanterne, de la grandeur de celle d’un vaisseau, composée d’une seule pièce de porcelaine, et dans laquelle un flambeau suffisait pour éclairer toute une chambre. Elle avait été faite, sept ans auparavant, par ordre du prince héréditaire. Le même missionnaire vit des urnes de porcelaine hautes de trois pieds, sans y comprendre le couvercle, qui s’élevait encore d’un pied, en forme de pyramide. Elles étaient composées de trois pièces, mais réunies avec tant d’habileté qu’on n’aurait pu distinguer la jointure. On lui raconta que, de quatre-vingts pièces de cette nature, huit seulement avaient réussi. Elles avaient été commandées par des marchands de Canton pour être transportées en Europe ; car les Chinois n’achètent point de porcelaine d’un si grand prix.