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cinquante ou soixante chèvres qui restaient. Il serait difficile de représenter la vitesse avec laquelle ces pauvres bêtes couraient malgré leurs blessures, les unes avec une jambe cassée, qu’elles portaient pendante, les autres traînant leurs entrailles à terre, d’autres portant deux ou trois flèches dont elles avaient été frappées, jusqu’à ce qu’elles tombassent épuisées de forces. J’observai que les coups de flèches ne leur faisaient pas pousser le moindre cri, mais que, lorsqu’elles étaient prises par les chiens, qui ne cessaient de les mordre qu’après les avoir étranglées, elles jetaient un cri assez semblable à celui d’une brebis qu’on est près d’égorger.

» Cette chasse ne nous empêcha pas de faire encore plus de vingt lis de chemin dans une grande plaine avant d’arriver au camp. Il fut assis à l’entrée du détroit des montagnes, dans un lieu qui se nomme en langue mogole source des eaux. On n’avait pas fait moins de onze ou douze lieues ce jour-là. L’empereur fit punir deux des kyas qui avaient été saisis par son ordre, pour avoir laissé sortir quelques chèvres de l’enceinte. Ils reçurent chacun cent coups de fouet ; punition ordinaire chez les Tartares, mais à laquelle ils n’attachent aucune infamie. L’empereur leur laissa leurs charges, en les exhortant à réparer leurs fautes par un redoublement de zèle et de fidélité. Un troisième, qui était plus coupable, parce qu’il avait quitté son poste pour courir après une chèvre, et