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adresse extraordinaire ; ensuite il fit étendre les chasseurs et tous les gens de sa suite sur deux ailes, et nous marchâmes dans cet ordre jusqu’au camp, en faisant encore une espèce d’enceinte mobile qui battait la campagne : c’était pour la chasse du lièvre. Sa majesté en tua plusieurs. Tout le monde avait soin de les détourner vers lui, et le droit de tirer dans l’enceinte n’était accordé qu’à ses deux fils : les autres chasseurs n’avaient la liberté de tirer que sur le gibier qui s’écartait du centre ; et chacun s’efforçait de l’en empêcher, parce que ceux qui laissaient sortir un lièvre par négligence étaient rigoureusement punis.

» Le même soir, après un grand vent de sud qui avait élevé beaucoup de poussière, le temps se couvrit. L’empereur, que la seule espérance de la pluie avait rendu fort gai, sortit de sa tente ; et prenant lui-même une grande perche, il se fit un amusement de secouer la poussière attachée à la toile qui couvrait les tentes. Tous ses gens, prirent des perches à son exemple, et donnèrent sur les toiles. Comme j’étais présent, je m’occupai du même exercice, pour ne pas demeurer seul oisif. L’empereur, qui le remarqua, dit le soir à ses gens que les Européens n’étaient pas glorieux. » Il semble pourtant qu’un jésuite pouvait faire, sans trop s’humilier, ce que faisait l’empereur de la Chine ; mais cette parole du prince, si elle est vraie, fait voir quels égards il croyait devoir à des étrangers.