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donné les moyens, nous nous efforcions d’en profiter. Alors ce monarque, se tournant vers ceux qui l’environnaient : « Ils ont profité en effet, dit-il ; leur langage est meilleur et plus intelligible. » J’ajoutai que notre plus grande difficulté était de prendre le ton et l’accent tartare, parce que nous étions trop accoutumés à l’accent des langues européennes. « Vous avez raison, reprit-il ; l’accent sera difficile à changer. » Il nous demanda si nous croyions que la philosophie pût être expliquée en tartare. Nous répondîmes que nous en avions l’espérance, lorsque nous saurions bien la langue, que nous en avions déjà fait quelques épreuves, et que nos maîtres avaient fort bien compris notre pensée.

» L’empereur, comprenant par cette réponse que nous avions fait une ébauche par écrit, ordonna qu’elle lui fût apportée : elle était au tribunal où nous faisions nos études. Je m’y rendis avec un eunuque du palais, et j’apportai notre écrit. Sa majesté nous fit approcher près de sa personne, et prit ce petit ouvrage, qui traitait de la digestion, de la sanguification, de la nutrition et de la circulation du sang. Il n’était pas encore achevé, mais nous avions fait tracer des figures pour rendre la matière plus intelligible ; il les considéra long-temps, surtout celles de l’estomac, du cœur, des viscères, et des veines : il en fit la comparaison avec celles d’un livre chinois qu’il se fit apporter ; il y trouva beaucoup dé rapport. Ensuite, lisant notre