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Lorsqu’ils ont en vue quelque profit, ils emploient d’avance toute la subtilité de leur esprit pour s’insinuer dans les bonnes grâces de ceux qui peuvent favoriser leur entreprise. Ils n’épargnent ni les présens, ni les services, sans aucune apparence d’intérêt : ils prennent, pendant des années entières, toutes sortes de personnages et toutes sortes de mesure pour arriver à leur but. Ce genre de patience, qui est la vertu des fripons, prouverait plus que tout le reste un caractère naturellement porté à être fourbe et habile à tromper.

Les seigneurs de la cour, les vice-rois des provinces et les généraux d’armée sont dans un perpétuel mouvement pour acquérir ou conserver les principaux postes de l’état. La loi ne les accorde qu’au mérite ; mais l’argent, la faveur et l’intrigue ouvrent secrètement mille voies plus sûres. Leur étude continuelle est de connaître les goûts, les inclinations, l’humeur et les desseins les uns des autres.

Dans quelques cantons, le peuple est si porté à la chicane, qu’on y engage ses terres, ses maisons et ses meubles, pour le plaisir de suivre un procès ou de faire donner la bastonnade à son ennemi. Mais il arrive souvent que, par une corruption plus puissante, l’accusé fait tomber les coups sur celui qui l’accuse. De là naissent entre eux des haines mortelles. Une de leurs vengeances et de mettre le feu à la maison de leur ennemi pendant la nuit ; cependant la peine de mort que