Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 8.djvu/179

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait beaucoup de goût pour les figures et les comparaisons, il compara sa sainteté à un chasseur aveugle qui tire dans l’air au hasard. Le légat n’ayant pu rire de cette raillerie comme les autres, sa majesté lui dit : « Vous ne répondez pas : que pensez-vous de mes allusions ? » Elles sont fort ingénieuses, répondit Mezza-Barba, et dignes de votre majesté.

Cependant la scène ne finit pas mal. Khang-hi était en bonne humeur. Il accorda aux prières du légat la liberté de Lauréati. « Vous serez libre, lui dit-il, et sans aucune garde. Comme la saison est trop avancée pour vous permettre le voyage d’Europe, je vous conseille d’aller attendre le beau temps à Pékin, où la cour retournera pour la célébration de la nouvelle année. » Ce compliment causa une joie extrême au légat.

Il partit effectivement pour Pékin, où étant arrivé le 23 avec toute sa suite, il se logea avec les jésuites portugais. L’empereur lui accorda le 26 une nouvelle audience, dans laquelle il ne fit encore que plaisanter.

Dans la dernière, qui fut celle où il congédia le légat, ce prince fit bien voir par les caresses qu’il lui prodigua quelle douceur de caractère il joignait à la fermeté des principes sur lesquels il croyait devoir appuyer son autorité. Il se fit apporter deux petites chaînes de perles dont il lui donna l’une en lui disant qu’il lui avait envoyé par ses ministres les présens qui étaient destinés pour sa sainteté, mais