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Trois jours après, Navarette rencontra le général de la province de Fo-kien, qui marchait vers Tchang-tcheou, avec un corps de vingt mille hommes. Il aurait eu beaucoup de peine à sortir d’embarras dans cette occasion, sans le secours de deux Chinois qui n’avaient point encore cessé de l’accompagner, non qu’il fut menacé d’aucune insulte, mais parce qu’il n’était point en état de répondre aux questions qu’on pouvait lui faire. Il passa devant le général, qui était près du rivage. Le nombre de ses chevaux et de ses chameaux, et la richesse de ses équipages, sa gravité, son faste, parurent autant de prodiges aux yeux de Navarette.

Lorsqu’il eut passé ce premier corps d’armée, et tandis qu’il se croyait à la fin de ses inquiétudes, il tomba dans une autre troupe qui ne lui causa pas moins d’embarras. C’était un corps de piquiers qui marchaient en deux lignes sur les bords du chemin. Ses compagnons étaient demeurés derrière lui pour réparer quelque chose à leurs selles et à leur bagage. Il se vit obligé de passer seul entre les deux haies. Mais n’y ayant rien essuyé de fâcheux, il déclare qu’il aimera toujours mieux traverser deux armées tartares qu’une armée espagnole. En passant par divers villages, il vit des fruits et des viandes exposés dans les boutiques aussi tranquillement que s’il n’était passé aucun homme de guerre. C’est une chose sans exemple à la Chine, qu’un soldat ait causé