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Pendant neuf jours qu’il navigua sur la rivière avec les trois soldats tartares qui l’avaient escorté depuis Macao, il eut à se louer de leurs civilités. Dans cette route, il ne donna rien à personne sans en recevoir une marque de reconnaissance par quelque petit présent ; mais, lorsqu’il n’avait rien lui-même à donner, il n’aurait pas voulu accepter un morceau de pain, parce que ces retours mutuels sont un usage établi dans tout l’empire.

Lorsqu’il ne pouvait voyager par eau, il marchait à pied faute d’argent. Un jour qu’il s’était extrêmement fatigué à gagner le sommet d’une grande montagne, il y découvrit une maison qui servait de corps-de-garde à quelques soldats pour veiller à la sûreté des passages. Le capitaine, voyant paraître un étranger, alla au-devant de lui, le pressa civilement d’entrer dans sa retraite, et l’y conduisit par la main. Aussitôt il lui fit présenter du tcha, c’est-à-dire du thé ; et, surpris de l’avoir trouvé à pied, il demanda aux Chinois dont il était accompagné pourquoi il le voyait en si mauvais équipage. On lui raconta que l’étranger avait été volé. Il parut fort sensible à son malheur, et renouvela ses civilités en le congédiant. Navarette reçut beaucoup de consolation de cette aventure ; mais la montagne était si rude, qu’il faillit s’estropier en descendant. Il gagna la maison d’un autre Chinois, car il ne rencontra point de chrétiens sur cette route jusqu’à la province de Fo-kien. Les forces lui manquant tout-à-fait