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jesté et un pour mon usage. Vous ne m’ôterez pas, continua-t-il, ceux qui étaient pour moi, car je les trouve fort beaux. Pour le vôtre, je vous le rendrai, si vous en avez besoin ; mais vous m’obligerez beaucoup de me le donner aussi. » Il en fallut demeurer d’accord. « Et les peintures, reprit-il encore, à qui sont-elles ? » Elles m’ont été envoyées, lui répondis-je, pour en disposer suivant l’occasion. Il donna ordre qu’elles lui fussent apportées ; et faisant ouvrir la caisse, il me fit diverses questions sur les femmes dont elles représentaient la figure. Ensuite, s’étant tourné vers les seigneurs de sa cour, il les pressa de lui donner l’explication d’un tableau qui contenait une Vénus et un satyre ; mais il défendit en même temps à mon interprète de m’expliquer ce qu’il leur disait. Ses observations regardaient principalement les cornes du satyre, sa peau qui était noire, et quelques autres particularités des deux figures. Chacun s’expliqua suivant ses idées ; mais l’empereur, sans déclarer les siennes, leur dit qu’ils se trompaient et qu’ils en jugeaient mal. Là-dessus, recommandant encore à l’interprète de ne me pas informer de ce qu’il avait dit, il lui donna ordre de me demander mon sentiment sur le sujet de cette peinture. Je répondis de bonne foi que je la prenais pour une simple invention du peintre, et que l’usage de cet art était de chercher ses sujets dans les fictions des poëtes. J’ajoutai d’ailleurs que, voyant ce tableau pour la première fois, il m’é-