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l’aperçut et prévint ses plaintes. « Je sais, lui dit-il, que mon fils a pris vos marchandises. Soyez sans inquiétude. Il n’ouvrira point vos caisses, et j’enverrai ce soir l’ordre de vous les remettre. » Cette promesse, qui fut accompagnée de discours fort civils, n’empêcha point Rhoé de se rendre le soir au gouzalkan pour renouveler ses instances. L’empereur, qui le vit entrer, lui fit dire qu’il avait envoyé l’ordre auquel il s’était engagé, mais qu’il fallait oublier tous les mécontentemens passés. Quoiqu’un langage si vague laissât de fâcheux doutes aux Anglais, la présence d’Asaph-Khan, dont ils craignaient les artifices, leur fit remettre leurs explications à d’autres temps, d’autant plus que l’empereur, étant tombé sur les différens de religion, se mit à parler de celle des juifs, des chrétiens et des mahométans. Le vin l’avait rendu de si bonne humeur, que, se tournant vers Rhoé, il lui dit : » Je suis le maître, vous serez tous heureux dans mes états, maures, juifs et chrétiens. Je ne me mêle point de vos controverses. Vivez en paix dans mon empire. Vous y serez à couvert de toutes sortes d’injures, vous y vivrez en sûreté, et j’empêcherai que » personne ne vous opprime. » Si c’était le vin qui le faisait parler ainsi, il faut croire que ce prince n’avait jamais tant de raison que dans le vin.

Deux jours après, sultan Coroné arriva de Brampour. Rhoé était désespéré qu’on ne parût