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malheureux sort des deux autres, entra gaiement dans le jardin, et marcha droit au tigre. Ce furieux animal, encore échauffé du premier combat, se précipita au-devant de lui ; mais il fut abattu d’un coup de sabre qui lui coupa les deux pâtes de devant ; et, dans cet état, l’Indien n’eut pas de peine à le tuer.

» L’empereur fit demander aussitôt le nom d’un si brave homme : il se nommait Ghéily. En même temps on vit arriver un gentilhomme qui lui présenta une veste de brocart, et qui lui dit : « Gheily, prends cette veste de mes mains comme une marque de l’estime de ton empereur, qui t’en fait assurer par ma bouche. » Gheily fit trois profondes révérences, porta la veste à ses yeux et à son estomac ; et, la tenant en l’air, après avoir fait intérieurement une courte prière, il dit à voix haute : « Je prie Dieu qu’il rende la gloire de Schah-Djehan égale à celle de Tamerlan dont il est sorti ; qu’il fasse prospérer ses armes ; qu’il augmente ses richesses ; qu’il le fasse vivre sept cents ans, et qu’il affermisse éternellement sa maison. » Deux eunuques vinrent le prendre à la vue du peuple, et le conduisirent jusqu’au trône, où deux khans le reçurent de leurs mains pour le présenter à l’empereur. Ce prince lui dit : « Il faut avouer, Gheily-Khan, que ton action est extrêmement glorieuse : je te donne la qualité de khan que tu posséderas à jamais. Je veux être ton ami, et tu seras mon serviteur. »