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qui suivit, le gouverneur parla du roi de Perse et de sa cour en homme fort mécontent. « Schah-Séfi, me dit-il, a pris le sceptre avec des mains sanglantes. Le commencement de son règne a coûté la vie à quantité de personnes de toute sorte de condition, d’âge et de sexe. La cruauté est héréditaire dans sa maison ; il la tient de Schah-Abbas, son aïeul, et jamais il ne faut espérer qu’il se défasse d’une qualité qui lui est naturelle. C’est la seule raison qui porte ses officiers à se jeter entre les bras du Mogol. Je veux croire qu’il a de l’esprit ; mais de ce côté même, il n’y a pas plus de comparaison entre lui et le Mogol qu’entre la pauvreté de l’un et les immenses richesses de l’autre. L’empereur mon maître a de quoi faire la guerre à trois rois de Perse. »

» Je me gardai bien d’entrer en contestation avec lui sur une matière si délicate. Je lui dis qu’il était vrai que ce que j’avais vu des richesses de Perse n’était pas comparable avec ce que je commençais à voir dans les états du grand-mogol ; mais qu’il fallait avouer aussi que la Perse avait un avantage inestimable, qui consistait en un grand nombre de kisilbachs[1], avec lesquels le roi de Perse était en état d’entreprendre la conquête de toute l’Asie. Je lui tenais ce langage à dessein, parce que je savais qu’il était kisilbach, et qu’il serait flatté de l’opinion que je marquais de cette milice. En effet, il me dit qu’il était forcé d’en demeurer

  1. Milice de Perse.