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» On ne cessa plus de marcher jusqu’à la tente du vainqueur, qui attendait son captif avec une pompe royale. Chambaïna, paraissant devant lui, se prosterna d’abord à ses pieds. On s’attendait à lui voir prononcer quelque discours convenable à son sort, mais la douleur et la confusion lui lièrent apparemment la langue ; il laissa cet office au raulin de Mounaï, qui, ne se contentant pas d’exhorter le vainqueur à la clémence, lui représenta la vicissitude des fortunes humaines, et le rappela même à l’heure de la mort, où la justice du ciel s’exerce sur tous les hommes. Le roi de Brama parut touché de son discours : il ne balança point à faire espérer des grâces et des bienfaits ; cependant son cœur avait peu de part à cette promesse. Chambaïna fut mis sous une garde sûre, et la reine sa femme ne fut pas gardée moins étroitement.

» Entre les motifs qui avaient attiré tant d’étrangers dans l’armée des Bramas, on faisait

    plaignait ainsi des Portugais, tournant fort à la hâte son éléphant vers Cayero, et le regardant d’un œil de travers : Passe promptement, lui dit-il, car de si méchans hommes que vous êtes ne méritent pas de marcher sur la terre qui porte du fruit ; et je prie Dieu qu’il pardonne à celui qui a mis dans l’esprit du roi que vous lui pouviez être utiles à quelque chose. C’est pourquoi rasez vos barbes pour ne pas tromper le monde comme vous faites, et nous aurons des femmes à votre place qui nous serviront pour notre argent. Là-dessus les Bramas de la garde commençant déjà à s’irriter contre nous, nous jetèrent hors de là avec assez d’affront et de blâme. Aussi, pour ne point mentir, jamais rien ne me fut si sensible que cela pour l’honneur de mes compatriotes. »