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DES VOYAGES


il alla lui-même les recevoir, et il m’ordonna de le suivre avec la chaloupe. Lorsque nous fûmes au rivage, Eappo entra dans la pinasse, et il remit les restes du capitaine Cook enveloppés dans une quantité considérable d’une très-belle étoffe neuve, et couverts d’un manteau semé de plumes noires et blanches, il s’embarqua avec nous, mais nous ne pûmes le déterminer à monter à bord de la Résolution. Il est vraisemblable qu’il ne voulut pas, par décence, assister à l’ouverture du paquet. Nous y trouvâmes les mains du capitaine bien entières : nous les reconnûmes aisément à une large cicatrice qui séparait le pouce de l’index ; nous y trouvâmes de plus l’os du métacarpe et la tête dépouillée de la chair (la chevelure avait été coupée, et elle était séprarée du crâne et jointe aux oreilles) ; les os de la face manquaient ; nous y trouvâmes aussi ceux des deux bras, auxquels pendaient la peau des avant-bras, les os des jambes et des cuisses réunis, mais sans pieds. Les ligamens des jointures étaient en bon état : le tout semblait avoir été au feu, si j’en excepte les mains qui conservaient leur chair, mais qui étaient découpées en plusieurs endroits et remplies de sel, selon toute apparence, afin qu’elles se gardassent plus long-temps. La partie du derrière de la chevelure offrait une estafilade, mais on ne voyait point de fracture au crâne. Eappo nous dit que quelques-uns des chefs s’étaient emparés de la mâchoire inférieure et des pieds,