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DES VOYAGES


rait plus la même modération qu’auparavant.

» C’est une chose digne de remarqué, qu’avant que notre artillerie fût pointée, les insulaires devinèrent nos intentions d’après le mouvement qu’ils aperçurent au vaisseau, et se retirèrent derrière leurs maisons et leurs murailles. Nous fumes donc obligés, en quelque sorte, de tirer à boulet perdu, et cependant nos coups produisirent tout l’effet que nous pouvions désirer ; car nous ne tardâmes pas à voir Koah qui ramait vers nous avec précipitation ; il nous dit que quelques-uns de ses compatriotes avaient été tués, et entre autres Mêha-Mêha, l’un des principaux chefs du pays, et proche parent du roi[1].

» Peu de temps après l’arrivée de Koah, deux jeunes garçons partirent du moraï et nagèrent du côté des vaisseaux ; ils avaient une pique à la main, et lorsqu’ils furent assez près de nous, ils entonnèrent sur un air très-grave une chanson dans laquelle nous remarquâmes souvent le mot orono ; ils nous indiquèrent le village où le capitaine Cook avait été tué, et nous jugeâmes qu’ils faisaient allusion à l’accident déplorable qui nous était arrivé. Lorsqu’ils eurent chanté d’un ton plaintif dix ou douze minutes, pendant lesquelles ils demeurèrent toujours dans l’eau, ils allèrent à bord de la Découverte ; ils livrèrent leurs piques, et

  1. On emploie communément, dans la langue de ces îles, le mot matte pour désigner un homme tué ou blessé. On nous dit ensuite que ce chef avait reçu au visage un léger coup d’un éclat de pierre enlevé par nos houlets.