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DES VOYAGES


l’employer à des cérémonies religieuses, la portion qui était devant nous, et qu’il nous renvoyait afin de nous prouver son innocence et son attachement.

« Il s’offràit une occasion de nous informer si les habitans de ces îles sont cannibales : nous ne la négligeâmes pas. Nous essayâmes d’abord, par des questions indirectes faites à chacun d’eux en particulier, de savoir comment on avait disposé du reste des corps. Ils répondirent constamment l’un et l’autre qu’on avait brûlé toute la chair après l’avoir dépecée : nous leur demandâmes enfin s’ils n’en avaient pas mangé une partie. À cette idée ils montrèrent sur-le-champ l’horreur qu’aurait pu manifester un Européen, et ils nous demandèrent très-naturellement si nous étions dans l’usage de manger de la chair humaine. Ils nous adressèrent ensuite cette question avec beaucoup d’inquiétude, et d’un ton qui annonçait la frayeur : Quand l’Orono reviendra-t-il, et que nous fera-t-il à son retour ? Plusieurs insulaires nous firent depuis la même question. C’était une suite des hommages qu’ils lui avaient rendus ; et il paraît évident qu’ils regardaient notre commandant comme un être d’une nature supérieure.

» Nous pressâmes nos deux amis de demeurer à bord jusqu’au matin ; mais nos sollicitations furent inutiles : ils nous dirent que, si leur voyage était connu du roi ou des chefs, il pourrait avoir les suites les plus fâcheuses pour