ment où on l’aperçut, les deux sentinelles qui
étaient sur le pont lui tirèrent des coups de
fusil. Les deux hommes que portait cette embarcation
se mirent tout de suite à crier, Tinni
(c’est ainsi qu’on prononçait mon nom) ; ils
dirent qu’ils étaient nos amis, et qu’ils voulaient
me donner quelque chose qui avait appartenu
au capitaine Cook. Lorsqu’ils arrivèrent
à bord, ils se jetèrent à nos pieds, et parurent
très-effrayés. Heureusement ni l’un ni
l’autre ne se trouvaient blessés, quoique les
balles de nos sentinelles eussent percé leur pirogue.
Nous reconnûmes l’un des prêtres dont
j’ai parlé plus haut, qui accompagnait toujours
le capitaine Cook en observant le cérémonial
que j’ai déjà décrit, et qui, malgré le rang distingué
qu’il occupait dans l’île, voulait absolument
remplir auprès de lui les fonctions de nos
derniers domestiques. Après avoir versé un
torrent de larmes sur la mort d’Orono, il nous
avertit qu’il apportait une partie du corps. Il
nous présenta ensuite un petit paquet couvert
d’étoffe qu’il tenait sous son bras : il m’est
impossible de décrire l’horreur dont nous fûmes
saisis à la vue d’un morceau de chair humaine
d’environ neuf ou dix livres. Il nous
apprit que c’était tout ce qui en restait, que
les autres parties avaient été dépecées et brûlées ;
mais que Terriobou et les éris avaient en
leur possession la tête et les os, excepté ceux
de la poitrine, de l’estomac et du ventre ;
que Raou, chef des prêtres, avait reçu pour
Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 30.djvu/82
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
76
HISTOIRE GÉNÉRALE