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DES VOYAGES


taine Clerke ; il chassa un assez grand nombre de ses compatriotes, et il obligea les pirogues à se tenir à une certaine distance.

» Cet incident nous fit juger que les chefs ont sur le bas peuple un pouvoir très-despotique : nous en eûmes le même jour un autre exemple arrivé à bord de la Résolution. La foule y était si considérable que les matelots ne pouvaient faire le service, et nous fumes obligés de recourir au chef Kaninê, qui, ainsi que Paria, s’était attaché au capitaine Cook. Lorsque nous lui eûmes expliqué l’embarras où nous nous trouvions, il ordonna tout de suite à ses compatriotes de sortir du vaisseau et nous fûmes très-surpris dé les voir sauter à la mer sans hésiter un moment. Un seul homme ayant essayé de se cacher, et ne paraissant pas disposé à obéir, Kaninê le prit de force et le précipita au milieu des vagues.

» Ces deux chefs étaient d’une stature forte et bien proportionnée, et d’une, physionomie très-agréable ; Kaninê surtout était un des plus beaux hommes que j’aie jamais vus. Il avait environ six pieds de haut, des traits réguliers et pleins d’expression, des yeux vifs et noirs, le maintien aisé, ferme et gracieux.

» Les habitans s’étaient jusqu’à ce moment conduits avec beaucoup de loyauté et de droiture envers nous, et n’avaient pas montré la plus légère disposition au vol. Nous en avions été d’autant plus étonnés, que nous ne communiquions guère qu’avec des gens des der-