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DES VOYAGES


couvre son ennemi, elle l’immole à sa vengeance. D’un autre côté, si la mère est blessée, ses petits ne la quittent pas, lors même qu’elle est morte depuis assez long-temps ; ils témoignent l’affliction la plus profonde par des mouvemens et des gestes très-expressifs, et ils deviennent ainsi la proie des chasseurs.

» Si l’on en croit les Kamtchadales, la sagacité des ours est aussi extraordinaire et aussi digne de remarque que leur attachement filial ou maternel. Ils en citent mille traits. Je me bornerai à en indiquer un seul, dont les gens du pays parlent comme d’un fait très-connu. Il s’agit du stratagème employé par les ours pour attraper les rennes, dont la légèreté l’emporte de beaucoup sur celle dont ils sont doués. Ces rennes se tiennent en troupes nombreuses ; ils fréquentent surtout les terrains bas, et ils aiment à brouter l’herbe qui se trouve au pied des rochers et des précipices. L’ours, qui les sent de loin, les suit jusqu’au moment où il les aperçoit ; il choisit alors une position élevée ; il s’avance avec précaution, et il se cache au milieu des rochers à mesure qu’il fait ses approches : quand il est immédiatement au-dessus de ces animaux, et assez près pour remplir son objet, il commence à détacher avec ses pattes des fragmens de rochers qu’il roule au milieu des rennes. Ensuite il n’essaie de les poursuivre que lorsqu’il a estropié quelqu’un du troupeau ; il se précipite