Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 30.djvu/255

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
247
DES VOYAGES


profondes sillonnaient son visage, et quoiqu’il n’eût que cinquante-six ans, toute sa figure annonçait la décrépitude.

» Nous fûmes très-affligés de ce qu’il avait complètement oublié l’allemand et le français ; il ne pouvait construire une phrase, et il ne comprenait qu’avec peine ce que nous lui disions dans l’une ou l’autre de ces langues. Nous perdîmes ainsi une occasion favorable qui devait nous procurer de nouvelles informations sur le Kamtchatka. Nous avions d’ailleurs espéré que le récit de son histoire nous causerait un grand plaisir : car il est vraisemblable qu’il n’aurait pas craint de la raconter à des étrangers qui pouvaient lui rendre de petits services, et qui n’avaient aucun motif d’abuser de sa confiance. Les Russes établis ici ne savaient point la cause de son exil ; mais ils pensaient généralement qu’il avait commis un délit très-grave : ils le croyaient d’autant plus, que, depuis l’avènement au trône de l’impératrice actuelle, deux ou trois gouverneurs du Kamtchatka s’étaient efforcés d’obtenir son rappel ; mais, loin de réussir dans leurs sollicitations, ils n’avaient pas même pu faire changer le lieu de son bannissement. Il nous dit qu’il avait passé vingt ans sans manger de pain ; qu’on ne lui avait accordé des subsistances d’aucuue espèce durant cet intervalle, et qu’il avait vécu parmi les Kamtchadales du produit de ses pénibles chasses ; qu’il obtint ensuite une modique pension, et que sa position avait com-