Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 30.djvu/205

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
199
DES VOYAGES


se disposait à nous recevoir en cérémonie. Depuis long-temps il ne nous restait plus d’habits ; nos vêtemens de voyage offraient un mélange burlesque des modes européennes, indiennes et kamtchadales. Nous sentîmes qu’il serait trop ridicule de parcourir en pompe la métropole du Kamtchatka ainsi déguenillés. Ayant aperçu beaucoup de monde rassemblé aux bords de la rivière, et ayant appris que le gouverneur viendrait nous y recevoir, nous nous arrêtâmes à la maison d’un soldat située à environ un quart de mille de la ville ; nous détachâmes Port, en lui recommandant de dire à son excellence que, dès que nous aurions changé d’habits, nous irions lui rendre nos devoirs. Nous priâmes en outre le gouverneur de ne pas songer à nous attendre pour nous conduire dans sa maison ; il nous fit dire qu’il voulait absolument attendre : alors nous ne perdîmes plus de temps à notre toilette, et nous nous hâtâmes de le joindre à l’entrée de la ville. Il me sembla que je faisais la révérence avec bien de la maladresse, et j’observai que mes camarades étaient aussi gauches que moi, ayant renoncé à cette habitude depuis deux ans et demi. Le gouverneur nous accueillit de la manière la plus aimable et la plus affectueuse ; mais nous fûmes affligés de voir qu’il avait oublié presque entièrement la langue française ; et M. Webber, qui parlait l’allemand, sa langue naturelle, eut seul le plaisir de converser avec lui.