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HISTOIRE GÉNÉRALE

« J’observai ces cérémonies une seconde fois, à la mort d’un homme du peuple : ayant entendu des cris plaintifs qui sortaient d’une misérable cabane, j’entrai dans la hutte, et je trouvai une femme âgée et sa fille pleurant sur le corps d’un vieillard qui venait d’expirer, car il était encore chaud. La première chose qu’elles firent fut de jeter des étoffes sur le mort : elles se couchèrent ensuite à côté du cadavre, et ayant tiré l’étoffe sur elles, elles chantèrent d’un ton langoureux, et elles répétèrent souvent : Aoueh medoah ! aoue tani ! Ô mon père ! ô mon mari ! Une fille plus jeune était prosternée la face contre terre, dans un des coins de la maison ; des étoffes noires la couvraient ; elle répétait les mêmes paroles. Lorsque je sortis, je rencontrai à la porte un certain nombre de leurs voisins qui écoutaient dans un profond silence les lamentations de ces femmes. Je résolus de profiter de l’occasion pour découvrir de quelle manière ils disposent des morts, et m’étant assuré, avant de me mettre au lit, qu’on n’avait pas enlevé le corps, j’ordonnai aux sentinelles de se promener devant la maison, et de m’avertir sur-le-champ s’ils croyaient que les insulaires se préparassent à emporter le cadavre ; mais la vigilance des sentinelles fut en défaut, car je vis le matin que le corps n’était plus dans la cabane. Je demandai aux insulaires ce qu’on en avait fait. Ils me montrèrent la mer avec leurs doigts ; ils voulaient vraisemblablement me dire qu’on