sions, les naturels se soumirent à la défense de
la manière la plus complète et la plus scrupuleuse ;
mais j’ignore si ce fut par des principes
religieux, ou uniquement par respect pour
l’autorité civile de leurs chefs. Lorsque les environs
de nos observatoires, et l’endroit où se
trouvaient nos mâts eurent été taboués par les
petites baguettes dont on les entoura, il en
résulta le même effet. Quoique cette espèce de
consécration eût été faite par les prêtres, ils
venaient dans l’espace interdit quand nous les
invitions ; ils semblaient donc ne pas être arrêtés
par des principes religieux, et il y a lieu
de croire que la crainte seule de nous déplaire
déterminait l’obéissance des insulaires. Nous
engageâmes vainement les femmes à venir près
de nous : il est vraisemblable qu’elles résistèrent
à nos sollicitations à cause du moraï voisin,
dont il leur est défendu d’approcher dans
tous les temps et sur toutes les îles de ces mers.
J’ai déjà observé que certaines nourritures sont
tabouées pour elles, c’est-à-dire qu’elles ne
peuvent en manger. Nous en vîmes souvent
auxquelles on mettait les morceaux dans la
bouche ; et quand nous demandâmes la raison
de cette singularité, on nous répondit qu’elles
étaient tabouées, ou qu’il ne leur était pas permis
de se nourrir elles-mêmes. Nous comprîmes
toujours qu’elles avaient assisté à des funérailles
ou touché un corps mort, et nous jugeâmes
qu’elles sont soumises à un pareil interdit
en d’autres occasions. Il est nécessaire
Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 30.djvu/174
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
168
HISTOIRE GÉNÉRALE