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DES VOYAGES


sulaires faisaient une tentative sérieuse pour les interrompre, ils les contenaient avec des regards foudroyans et des menaces. Nous parvînmes ainsi à ramener toutes nos futailles au bord de la mer sans aucun accident grave.

» Tandis qu’on les embarquait sur le grand tcanot, les naturels, sentant qu’ils n’auraient bientôt plus d’occasions de nous piller, devinrent à chaque instant plus hardis et plus insolens. Le sergent des soldats de marine me représenta combien il serait avantageux pour nous de faire entrer sa petite troupe la première dans les canots, parce que les fusils des soldats, principal objet de l’avidité des insulaires, se trouveraient hors de leur portée, et en cas d’attaque les soldats nous défendraient avec plus de succès que s’ils étaient sur la côte.

» Nous avions tout embarqué, et il ne restait plus à terre que M. Anderson, notre canonnier, un matelot et moi. Comme la pinasse était au-delà du ressac que inous devions traverser à la nage, j’ordonnai au canonnier et an matelot de se jeter à la mer, et de se sauver en hâte, ajoutant que je les suivrais. Ce qui me surprit beaucoup, ils refusèrent l’un et l’autre d’obéir, et nous nous disputâmes tous trois, pour savoir qui demeurerait le dernier sur le rivage. J’avais parlé au matelot d’une manière trop vive un moment auparavant ; il crut sans doute que je doutais de sa bravoure, et il conçut cet acte bizarre de générosité. Notre vieux canonnier, voyant qu’il s’agissait d’une affaire d’hon-