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DES VOYAGES


matelots ; ils saisissaient la basque de leurs habits et les tiraient par-derrière ; ils leur marchaient sur les talons ; et ces insolences produisaient parmi la foule des acclamations et des éclats de rire entremêlés d’enfantillages et de malices. Ils trouvèrent ensuite moyen de voler le baquet du tonnelier et de lui arracher son sac ; mais ce dont ils désiraient le plus de s’emparer, c’était les fusils des soldats de marine qui se plaignaient à chaque instant de leurs attaques. Quoique la plupart eussent toujours des égards et de la déférence pour moi, ils ne me laissèrent pas partir sans me faire contribuer pour quelque chose à leur butin ; l’un d’eux s’approcha de moi d’un air familier, et il eut l’adresse de distraire mon attention tandis qu’un de ses camarades m’enleva mon épée que je tenais négligemment à la main, et il s’enfuit avec la rapidité de l’éclair.

» Nous ne pouvions sans danger recourir à la force : cherchant donc à nous garantir le mieux que nous pourrions des effets de leur insolence, nous n’avions rien à faire d’ailleurs qu’à nous y soumettre. Mes inquiétudes s’accrurent néanmoins ; car j’appris bientôt du sergent des soldats de marine que, s’étant retourné brusquement, il avait vu derrière moi un insulaire qui tenait un pahoua prêt à me frapper. Il se trompait peut-être, mais il est sûr que notre position était alarmante et critique, et que la plus légère erreur de notre part aurait pu nous être fatale. Comme ma

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