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courir le camp, et, passant au marché, il y vit vendre publiquement de la chair humaine. Snelgrave, à qui Moore raconta ce qu’il avait vu, n’alla point chercher ce spectacle au marché ; mais il est persuadé que, si sa curiosité l’eût conduit du même côté, il y aurait vu la même chose. Il est assez singulier qu’il n’ait pas eu cette curiosité.

Snelgrave apprit d’un Portugais mulâtre établi dans ce pays que plusieurs seigneurs fugitifs, dont les pères avaient été vaincus et décapités par le roi de Dahomay, s’étaient retirés sous la protection du roi d’Yo, et l’avaient engagé par leurs instances à déclarer la guerre à leur vainqueur. Il s’était mis en campagne immédiatement après la conquête d’Ardra. Le roi de Dahomay, quittant aussitôt cette ville, avait marché au-devant de lui avec toutes ses forces, qui n’étaient composées que d’infanterie. Comme ses ennemis, au contraire, n’avaient que de la cavalerie, il avait eu d’abord quelque chose à souffrir dans un pays ouvert, où les flèches, les javelines et le sabre faisaient de sanglantes exécutions. Mais une partie de ses soldats étant armés de fusils, le bruit des moindres décharges effraya tellement les chevaux, que le roi d’Yo ne put les attaquer une seule fois avec vigueur. Cependant les escarmouches avaient déjà duré quatre jours, et l’infanterie de Dahomay commençait à se rebuter d’une si longue fatigue, lorsque le roi eut recours à ce stratagème. Il avait avec lui