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par leur nombre, et ne purent s’imaginer que leur ennemi osât s’approcher de leur ville. Ils se contentèrent d’envoyer soir et matin leurs prêtres sur le bord de la rivière pour y faire des sacrifices à leur principale divinité, qui était un grand serpent, auquel ils s’adressaient dans ces occasions pour rendre les bords de leur rivière inaccessibles.

Ce serpent était d’une espèce particulière, qui ne se trouve que dans le royaume de Juida. Le ventre de ces monstres est gros. Leur dos est arrondi comme celui d’un porc. Ils ont au contraire la tête et la queue fort menues, ce qui rend leur marche très-lente. Leur couleur est jaune et blanche, avec quelques raies brunes. Ils sont si peu nuisibles, que, si l’on marche dessus par imprudence (car ce serait un crime capital d’y marcher volontairement), leur morsure n’est suivie d’aucun effet fâcheux ; et c’est une des principales raisons que les Nègres apportent pour justifier leur culte. D’ailleurs ils sont persuadés, par une ancienne tradition, que l’invocation du serpent les a délivrés de tous les malheurs qui les menaçaient ; mais ils virent leurs espérances trompées dans la plus dangereuse occasion qu’ils eussent à redouter. Leurs divinités mêmes ne furent pas plus ménagées qu’eux ; car les serpens étant en si grand nombre, qu’ils étaient regardés comme des animaux domestiques, les conquérans, qui en trouvèrent les maisons remplies, leur firent un traitement fort singu-