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ches n’ayant pas moins de cent femmes, le pays s’était peuplé avec tant d’abondance, qu’il était rempli de villes et de villages. La bonté naturelle du terroir, jointe à la culture qu’il recevait de tant de mains, lui donnait l’apparence d’un jardin continuel. Un long et florissant commerce avait enrichi les habitans. Tous ces avantages étaient devenus la source d’un luxe et d’une mollesse si excessifs, qu’une nation qui aurait pu mettre cent mille combattans sous les armes se vit chassée de ses principales villes par une armée peu nombreuse, et devint la proie d’un ennemi qu’elle avait autrefois méprisé.

Le roi de Juida, étant monté sur le trône à l’âge de quatorze ans, avait abandonné le gouvernement aux seigneurs de sa cour, qui s’étaient fait une étude de flatter toutes ses passions pour le retenir plus long-temps dans cette dépendance. Il avait trente ans au temps de la révolution ; mais, loin de s’être rendu plus propre aux affaires, il ne pensait qu’à satisfaire son incontinence. Il entretenait à sa cour plusieurs milliers de femmes qu’il employait à toutes sortes de services ; car il n’y recevait aucun domestique d’un autre sexe. Cette faiblesse aboutit à sa ruine. Les grands, n’ayant en vue que leur intérêt particulier, s’érigèrent en autant de tyrans qui divisèrent le peuple et devinrent aisément la proie de leur ennemi commun, le roi de Dahomay, monarque puissant dont les états sont fort éloignés dans les terres.